Les blogs politiques, un support favorable à l'engagement citoyen ? Marie Neihouser

La question du renouveau de l’engagement citoyen par les TIC partage schématiquement la communauté scientifique entre, d’un côté, les cyber-optimistes (Gillmor, 2004) et, de l’autre, les cyber-réalistes (Di Maggio, et al. 2001 ; Margolis, Resnick, 2000 ; Hindman, 2008). Alors que pour les premiers, le numérique permettrait à un nombre important de profanes de prendre la parole, notamment politique, en ligne, et serait par-là susceptible de renouveler la composition du personnel mais surtout du public « traditionnel » de la politique ; pour les seconds, au contraire, les arènes numériques politiques ne seraient investies que par des acteurs disposant d’une expertise politique préalable souhaitant profiter de nouveaux espaces d’expression pour faire valoir leurs intérêts. Ce débat devient plus vigoureux à l’heure où le décrochage entre « élites politiques » et citoyens focalise de plus en plus l’intérêt des médias et des décideurs. Internet est alors vu par certains comme le moyen d’apporter un second souffle à un système politique maltraité en donnant la possibilité aux citoyens de reprendre la parole.

 

Tenant compte de la multiplication des usages et de l’hybridation des pratiques en ligne, il est désormais nécessaire de ne plus appréhender le Web comme un « tout » cohérent. En effet, les comportements numériques s’autonomisant, ils laissent apparaître des fractures sociales, culturelles et économiques déjà observables dans le monde « réel ». Les discours généraux sur « l’Internet » deviennent obsolètes. Loin de permettre à une nouvelle catégorie de la population de s’exprimer, les blogs politiques ne constitueraient en ce sens qu’un nouveau support d’expression pour des individus engagés. La population des blogueurs politiques présente d’ailleurs les mêmes caractéristiques que les populations de militants plus traditionnels, que ce soit en termes de profils sociaux ou en regard de leurs compétences politiques. Mais pour prendre la pleine mesure du phénomène, il importe de sortir les blogs politiques et leurs auteurs d’une analyse de l’Internet faisant abstraction des stratégies d’usage pour les réinscrire dans un continuum plus large, celui de l’univers de l’engagement politique.

 

Dans le cadre d’une recherche doctorale, à l’occasion de la campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2012, nous avons constitué un corpus de 3 559 blogs politiques français afin d’analyser plus finement qui étaient les blogueurs politiques français. Pour être retenu, un blog devait :

• être tenu par un auteur unique ;
• être tenu par un auteur français ;
• avoir parlé de politique au moins une fois 
• avoir publié au moins un article dans les 6 mois précédant la campagne pour être considéré comme « actif »